Parvenus à
deux pas de chez ma mère, au coin Saint-Amable, nous nous
heurtons à un barrage policier. Je prends une photo.
Les policiers
en tenue de combat forment un mur. Je m'approche d'eux et leur
demande si nous pouvons passer pour rentrer à la maison.
Je leur désigne du doigt l'immeuble de ma mère,
qu'on aperçoit un coin de rue plus loin. Aucune réaction.
Je répète ma question en anglais. Aucune réaction.
À force d'insistance courtoise, j'obtiens un signe de tête
négatif de l'un d'entre eux. De toute évidence,
ils ont reçu la consigne de ne pas communiquer avec les civils.
Autour de nous,
il y a relativement peu de gens : quelques manifestants tout à
fait tranquilles et quelques habitants du quartier. Personne
ne lance de pierre, personne ne crie, aucune provocation. Nul
danger ne semble planer. Certains résidents de la rue
Turnbull sont sortis sur leur perron pour voir ce qui se passe.
Mon ami et moi
sommes indécis : que faire maintenant ? Si nous retournons
sur nos pas, nous risquons de nous faire gazer à nouveau.
Nous sommes peut-être pris en sandwich entre plusieurs barrages
? L'immeuble où vit ma mère est là - visible
mais inaccessible derrière les policiers. Malheureusement,
cet immeuble se trouve aussi à deux pas d'un important poste
de contrôle du Périmètre (coin Grande-Allée
et Claire-Fontaine) par lequel pénètrent dans la zone
interdite de longs convois d'autobus et divers véhicules (un
canon à eau, par exemple), ainsi que nous avons pu l'observer
depuis les fenêtres de ma mère. La police a-t-elle
bouclé le secteur ?
Nous ne sommes
pas seuls à vouloir franchir le barrage et à nous sentir
perplexes devant la fermeture des policiers. Plusieurs personnes
butent sur le même problème. Une femme près
de nous - sans doute une habitante du quartier qui cherche à
regagner son domicile - exprime son opinion d'une voix claire et candide
: puisque les policiers ne nous laissent pas passer, on n'a qu'à
attendre ici, près d'eux, que les choses se calment.
Au coin René-Lévesque, ça n'a pas l'air de s'arranger
: toujours les bombes lacrymogènes.
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